Musica : le public mène la danse

Rendez-vous incontournable des amateurs de musiques de création, Musica souffle ses 40 bougies cette année. Pour la première fois, le festival de musiques contemporaines permet à des fidèles de la première d’assurer la programmation de concerts. Rendez-vous du 15 septembre au 1er octobre 2023 à Strasbourg. 

Festival Musica 2023

Voix au chapitre 

Le Club 83, c’est un groupe de sept personnes, fidèles à Musica depuis 1983 ou 1985. Réunis après un avis de recherche lancé en 2021, le festival leur donne cette année voix au chapitre. L’idée : programmer des concerts voulus par ce public. Cela donne six temps forts d’interaction réelle entre organisateurs et public : cinq concerts et une exposition.   

Place aux « oubliés »

Fidèle de Musica, Bernard Pfister a évoqué un oublié du festival : Olivier Greif, né en 1950 et décédé en 2000, inclassable, expressionniste et visionnaire, reconnu comme un compositeur majeur du XXe siècle (17.09). 

A découvrir aussi dans ce cadre une déambulation à la suite de l’ensemble L’Itinéraire dans le nouveau bâtiment des Compagnons du Devoir (18.09), une soirée palestinienne de musique et de danse interprétée par des artistes du camp de réfugiés d’Aida en Palestine (17.09). 

Mais aussi un mini récital de violoncelle pour jeune public (23 et 24.09) et une soirée nostalgie avec le Quatuor Arditi sur le concept « On prend les mêmes et on recommence comme en 1985 » (30.09). 

Musique croquée

Dès 1984, la strasbourgeoise Véronique Boyer a dessiné dans de minuscules carnets ce qu’elle entendait lors des concerts, plongée dans la pénombre. Près d’un millier de dessins, passés à l’aquarelle une fois de retour dans son atelier, composent cette collection en partie présentée au QG du festival, place de la Cathédrale, dans les locaux de l’ancienne Poste. 

Son témoignage traverse l’histoire de la musique contemporaine, de John Cage à Georges Aperghis, en passant par Meredith Monk et le Quatuor Arditi (du 5 au 30.09). 

Le concert infini

De 23 h à 7 h du matin : une nuit entière que l’on passe à dormir à la belle étoile ou à danser au Kalt, mais qu’on peut aussi vivre en apesanteur, perdu dans la musique hypnotique d’un autre compositeur oublié du XXe siècle : Jean Catoire (16-17.09), figure française atypique et méconnue du minimalisme. 

Né en 1923 et décédé en 2005, il est le compositeur de plus de 600 opus, dont la très grande majorité demeure inédite. Son portrait musical est teinté de son goût pour Moussorgski, la musique du Moyen-Âge, le romantisme allemand, Thérèse d’Avila et les mystiques hindous. Une nuit de méditation sonore et poétique se profile, portée par une musique répétitive.

La mélodie du hoquet

Pour son 40e anniversaire, le festival Musica ne se cantonne pas à la musique dite contemporaine, mais s’ouvre à une autre musique d’aujourd’hui (concert d’ouverture le 15.09 à la Laiterie). Avant-pop portée par trois sopranos, la composition onirique de Missy Mazzoli est une sorte de retour vers la magie, entre baroque et mélopées de contrées inconnues. Une œuvre de Louis Andriessen complète la soirée, composée à partir du hoquet, comme un battle de l’histoire des musiques répétitives.

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Cabaret travesti

C’est devenu tendance, mais pourtant, le cabaret travesti Madame Arthur existe depuis 1947, premier de la sorte à Paris. Pour Musica, il interprète « Mourir sur scène » (29-30.09), tout en transgression, extravagance, échappées improbables : la liberté comme étendard. La soirée se poursuivra au QG du festival. 

Hédoniste ou égoïste ?

Pour la deuxième année, Musica propose les Concerts pour soi, ces délicieux têtes-à-têtes avec un musicien. Le concept : le spectateur achète un billet pour un concert dont il ne connaît ni le lieu, ni l’interprète ni le programme, et dont il est le public unique. La question se pose alors : comment recevoir le don d’un musicien juste pour soi ? Les œuvres conviennent à merveille à cette écoute en toute intimité : le spectateur plonge dans ce don de soi qui lui est généreusement fait. Plaisir égoïste ? 

Magie dans un boîtier de CD

Le musicien Tristan Perich présente la « Composition pour trois petits haut-parleurs », un dispositif étrange à acheter, objet à écouter, entre enregistrement et installation sonore. Dans l’écrin d’un boîtier de CD, se trouve un circuit électronique et trois minuscules haut-parleurs. Tous les composants de cette sculpture sonore sont visibles. C’est assez magique : l’objet renferme le code numérique de l’œuvre et son moyen d’amplification. Disponible au QG du festival. 

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Lévitation à Saint-Paul

Il y a toujours ce petit frisson à l’entrée de l’église Saint-Paul investie par Musica pour les soirées Sonic Temple : dans quel espace-temps va-t-on être propulsé ? Sculpteur de formation, Meryll Ampe a mené une longue enquête sonore au Mexique, pays du catch masqué. La matière sonore de l’artiste française, bruit, sons scandés, répétition, est donc ici un sport de combat, cadré par les œuvres de Vica Pacheco, de Daniel Zea et de François Papirer. Encore une soirée pour planer parmi de bonnes ondes (28.09).

Festival Musica 2023
Venez découvrir le spectacle Anatomia le 28 septembre au Festival Musica à Strasbourg © festivalmusica.fr
 

Collages et décollage à Bâle

La visite du musée Tinguely à Bâle est une aventure merveilleuse dans le temps et l’imagination : c’est par là que démarre le programme de la dernière journée de Musica 2023. Génie du collage, du recyclage et du détournement, l’artiste suisse Jean Tinguely pourrait être vu comme le précurseur du compositeur Simon Steen-Andersen autour duquel est axée cette journée. Après le musée, un concert de l’ensemble Zone expérimentale donne à entendre les œuvres de cet artiste, dont la création Don Giovanni aux enfers sera interprétée à l’opéra de Strasbourg (16-17-19-21.09). Un second concert présente TRIO, pour orchestre, big bang, chœur et vidéo, toujours de Simon Steen-Andersen : un collage géant de documents d’archives sonores, tel le premier enregistrement connu d’un orchestre sur un cylindre phono en cire.

Festival Musica 2023
Simon Steen-Andersen © Ralf Brunner

Mais Musica offre encore bien d’autres propositions fabuleuses pour sortir de sa zone de confort.

Musica, à Strasbourg principalement (mais aussi à Sainte-Marie-aux-Mines, à Nantes et à Bâle), du 15 septembre au 1er octobre 2023 en divers lieux.

Télécharger le programme complet sur le site web Musica.

Auteure : Lucie Michel