Jean-Michel Folon, l’aquarelliste engagé 

Jusqu’au 3 juillet, le musée Tomi Ungerer propose une rétrospective de plus de 150 œuvres de l’artiste belge Jean-Michel Folon. L’exposition intitulée « Folon. Un rêveur engagé » montre la richesse de ce dessinateur à l’imaginaire démesuré.

Les démarches artistiques de Tomi Ungerer et de Jean-Michel Folon ont de nombreux points communs : des œuvres colorées empreinte de rêve, des techniques aux traits à la ligne claire et des prises de position engagées avec des affiches satiriques et politiques. Une belle occasion d’en apprendre davantage sur le dessinateur belge aux multiples casquettes. 

Folon dans son atelier à Burcy vers 1970
Folon dans son atelier à Burçy, vers 1970 - Fondation Folon © Ture Westberg

Qui est Jean-Michel Folon ?

Étudiant en architecture à l’École nationale supérieure des arts visuels de la Cambre dans les années 50, il part ensuite à Paris pour perfectionner le dessin. Des magazines américains de renommée tels qu’Esquire, Horizon ou encore The New Yorker publient ses dessins dans les années 60, ce qui lance sa carrière et le décide à s’installer aux États-Unis. Il y exposera par la suite dans des galeries et des musées prestigieux, mais aussi partout dans le monde, que ce soit en France, au Japon, en Italie, Argentine ou en Grande-Bretagne.

Peinture, aquarelle, dessin, sculpture, gravure, cinéma d’animation… L’artiste belge expérimente les matériaux avec un travail singulier de la couleur et un trait sobre, ce qui caractérise la puissance de ses œuvres. Il participe à des campagnes publicitaires majeures et illustre des couvertures de romans de Franz Kafka, H.G. Wells, Luis Borges, Romain Gary ainsi que des recueils de poèmes de Jacques Prévert et Boris Vian. Le cinéma est un aspect important de sa vie, puisqu’il illustre de nombreuses affiches pour des films, et y tient même des petits rôles. Dans d’autres domaines artistiques, il réalise des œuvres murales impressionnantes en Europe, des décors de théâtre, des tapisseries, des sculptures de bronze pour l’aéroport de Bruxelles ou le parc Royal, et même des vitraux (à l’Église romane de Saint-Etienne en Wallonie).

Fervent activiste, Folon signe de nombreuses œuvres engagées, telles que l’illustration de la Déclaration des Droits de l’Homme et des Nation-Unies en 1988, le sigle du bicentenaire de la Révolution Française en 1989 ou ses affiches pour Amnesty International.

En 2000, il inaugure la Fondation Folon, avec plus de 500 de ses œuvres dans la ferme belge du Château de la Hulpe dans le domaine Solvay, un parc symbolique de son enfance. Peu de temps après, il est consacré chevalier de la Légion d’honneur pour l’ensemble de sa carrière. Disparu en 2005, il laisse derrière lui une impressionnante collection.

 

Une œuvre poétique et militante

Le parcours de l’exposition est composé de cinq parties. La première salle s’ouvre sur une sélection d’affiches : en effet, l’artiste a réalisé plus de 600 affiches au long de sa carrière, que ce soit pour des expositions, du cinéma, ou des causes humanitaires.

Des œuvres puissantes qui mêlent des motifs évocateurs à des dégradés d’aquarelle, comme son affiche autour du documentaire La Spirale d’Armand Mattelart qui dénonce le fascisme. Folon a imaginé un serpent enroulé sur lui-même, formant une spirale infernale, image du montage du film qui démontre que chaque événement apporte une conséquence. Dans un autre registre, l’affiche de La Rose pourpre du Caire de Woody Allen est empreinte de surréalisme : une jeune femme dans une salle aux teintes sombres face à un écran blanc d’où sort un personnage de film. L’artiste parvient à résumer les films en une image à la symbolique forte, renforcée par la subtilité de la technique de l’aquarelle.

Ses œuvres bien que poétiques, montrent tout son engagement et une certaine critique de la société contemporaine. Il fait évoluer ses personnages aux lignes épurées dans des mondes mécaniques et déshumanisés, qui rappelle Les temps modernes de Charlie Chaplin, ou qui se révèlent perdus dans l’immensité du cosmos, montrant ainsi une fascination pour la conquête spatiale. La guerre et la dictature sont des thématiques récurrentes dans ses œuvres, qu’il représente de façon percutante pour la presse, des associations ou ses collections personnelles. Une de ses œuvres les plus incisives est l’illustration de la Déclaration des Droits de l’Homme pour Amnesty International, où un crâne nous fait face et dévoile des dents qui sont ici des missiles, démontrant ainsi toute la violence des multiples guerres, et une référence à un symbole fort du nazisme. 

S’il est surtout connu pour ses aquarelles, cet artiste curieux a touché à différentes pratiques : l’exposition met en avant ses expérimentations à l’encre de chine, la gravure à l’eau-forte, la sculpture de bronze, la sérigraphie, mais aussi le collage. Une de ses œuvres mêlant encre de chine, aquarelle et collage sur papier présente un visage féminin perdu dans une ville moderne, où s’imbriquent différentes flèches dans tous les sens, formant ainsi un labyrinthe confus. La flèche au sens contradictoire est un signe pictural qui revient sans cesse dans les dessins de Folon, symbole de l’information et ici de l’abîme des mégalopoles. L’artiste peuplent ses œuvres de nombreux signes, qui permet à chacun de comprendre à travers les époques et les âges. Main, oiseau, flèche, tête humaine… autant de variations de motifs qui éclaire sur la signification et agit ainsi en tant que véritable langage visuel.   

Sans titre, Jean-Michel Folon - © Fondation Folon _ ADAGP Paris, 2022
Sans titre, Jean-Michel Folon - © Fondation Folon _ ADAGP Paris, 2022

Informations pratiques :
L’exposition "Folon. Un rêveur engagé"
Du 18 mars au 3 juillet 2022
Ouvert tous les jours de 10h à 18h sauf le mardi

Musée Tomi Ungerer - Centre international de l'illustration
Villa Greiner
2 avenue de la Marseillaise 67000 Strasbourg

Auteure : Lucie Bousquet

A propos de l'auteure 

Formée à l’écriture et à la communication, Lucie a commencé dans les médias pour un magazine digital en Chine. Après quelques années dans la gestion de projets associatifs et artistiques, elle se lance en tant que rédactrice dans les domaines du tourisme et de la culture. En veille permanente sur l’actualité sociétale et culturelle, Lucie vit entre Strasbourg et Paris. Elle participe régulièrement à des projets collectifs autour de l’écriture et du numérique.

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