Rencontre avec Sylvain Louis, tailleur de pierre

Tailleur de pierre en début de carrière, Sylvain Louis nous dévoile les secrets d’un métier artisanal pas comme les autres. Il nous confie aussi quelques détails sur les spécificités de la Fondation de l’Œuvre Notre-Dame à Strasbourg.

 

Comment est née votre passion pour la taille de pierre ?

Cela a commencé très jeune, au collège. J’ai visité le lycée professionnel Jules Verne à Saverne qui proposait la formation en taille de pierre (ndlr : section depuis fermée). J’ai adoré le professeur qui présentait sa classe et son travail. Cela m’a plu tout de suite. Le soir même, j’en informe mes parents. Je suis alors en 3e et je réalise donc un stage dans une carrière de pierre située à côté de chez moi, chez Carrières Schneider Georges et Fils. La patronne, assez convaincue par mes capacités et mon enthousiasme, m’a proposé de me prendre en apprentissage si je choisissais le CAP tailleur de pierre. J’avais donc, à 15 ans, le lycée professionnel et l’employeur. C’était parfait. Je n’ai pas hésité.

Qu’est-ce qui vous a séduit dans ce métier très manuel ? 

Ce n’est pas tant le métier en lui-même qui m’a séduit d’abord. Mais plutôt l’attrait historique tout autour. En voyant des pierres, on peut situer le bâtiment dans le temps et décrire l’histoire qui en découle. Puis j’ai pu découvrir l’aspect manuel, le travail à la main. C’est hyper intéressant.

Racontez-nous ce long processus vers la professionnalisation ? 

J’ai enchaîné avec un bac professionnel au lycée Camille Claudel de Remiremont dans les Vosges. J’ai réalisé plusieurs stages dans la région, dont un majeur au sein de la Fondation de l’Œuvre Notre-Dame à Strasbourg. Il s’agit de l’entreprise qui s’occupe d’une partie des restaurations de la cathédrale de Strasbourg, en plus de financer le chantier, d’en assurer l’entretien et de documenter le site. Cela m’a permis de postuler, après l’obtention de mon bac, à un poste en apprentissage dans le cadre d’un brevet professionnel. Je suis resté deux ans en apprentissage à la fondation, jusqu’à l’obtention de mon diplôme à l’automne 2022.

 

« Le but de la taille de pierre, c’est de la façonner, c’est de lui donner une esthétique »

Avez-vous travaillé dans la foulée de l’obtention de votre diplôme ? 

Entre temps, je suis parti faire la saison à Guédelon en Bourgogne où se trouve un véritable chantier d'archéologie expérimentale depuis 1997. Là-bas, on construit un château fort de A à Z avec les techniques et les matériaux utilisés au Moyen Âge, comme les grues à roue écureuil. On réalise l’extraction de la pierre à la main. Cela m’intéressait énormément d’y aller car je ne suis pas fan des outils modernes. Ce qui m’intéresse, c’est vraiment le travail à la main. Suite à cela, je suis parti travailler chez la société Léon Noël à Strasbourg qui est spécialisée dans la restauration de monuments anciens, tels que l’Eglise Saint-Georges à Sélestat. 

 

A vous écouter, on comprend que les débouchés sont nombreux et très variés, n’est-ce pas ?

Oui, car, en tant que tailleur de pierre, on peut très bien travailler dans la restauration de bâtiment, sur de la retaille de pièces monumentales, comme on peut se faire appeler par des particuliers pour du dallage, des plans de travail en cuisine ou de la marbrerie en salle de bain. Le but de la taille de pierre, c’est de la façonner, c’est de lui donner une esthétique. C’est pourquoi il y a énormément de débouchés. On peut aussi se spécialiser en gravure, en sculpture. Il y a de l’emploi mais il y a moins en moins de tailleurs de pierre. En bac pro, nous étions pourtant 10 à 20 élèves par classe. Mais peu finissent réellement leur formation car c’est souvent un choix par défaut, une erreur d’orientation. On commence jeune, donc il faut être prêt car, en sortant du collège, on n’a pas l’habitude du monde du travail. Il faut un minimum de motivation. Et puis il faut aimer ce qu’on fait, c’est la base. C’est un métier passion.

« Il y a une vraie symbiose dans tout ce que l’on fait »
 

Où en êtes-vous dans votre jeune carrière ? 

Depuis le mois de mars, je suis retourné à Guédelon pour refaire une saison. L’aspect manuel me manquait. Et puis, sur ce site, on accueille également du public pour être dans la transmission. Cet aspect pédagogique, sur des métiers qui pourraient potentiellement disparaître dans le futur, m’intéresse énormément. Mon but, ensuite, est de retourner à la Fondation de l’Œuvre Notre-Dame pour y entrer comme ouvrier d’ici novembre prochain. Cette entreprise m’a beaucoup marqué dans sa façon de préserver le patrimoine historique matériel et immatériel. C’est l’une des seules entreprises en France où l’on travaille encore avec des outils manuels. Ce que j’aime, aussi, c’est le travail en équipe. Pour la Fondation, il y a une petite dizaine d’ouvriers avec un pôle en taille de pierre et un pôle en sculpture. C’est très complémentaire. Il y a une vraie symbiose dans tout ce que l’on fait.

Enfin, si vous deviez être notre guide touristique en Alsace, que conseilleriez-vous ?

La cathédrale de Strasbourg, bien évidemment, car elle a un attrait physique particulier, avec son unique tour sur le côté. C’est quand même l’édifice médiéval le plus haut du monde. L’Alsace est une région magnifique avec des artisans très compétents. Si je devais citer des incontournables, je dirais le Château du Haut-Koenigsbourg à Orschwiller ou encore Kaysersberg, l'un des villages viticoles le plus connu de la route des vins d'Alsace.

Infos pratiques :

Suivez Sylvain Louis via Instagram : louis_sylvain_taille_de_pierre

Recueilli par Florian Dacheux.

Rédacteur chez Batorama depuis mai 2021

A propos de l'auteur

Passionné par l'écosystème du fluvial depuis son enquête sur l'univers méconnu des bateliers au printemps 2021, Florian est depuis auteur pour le blog. Unique ville de France où une rue porte son patronyme (rue Léon Dacheux), la douceur de Strasbourg l'a toujours attiré. Il se laisserait bien tenter comme vous par un apéro vins/fromages à bord de NAO !


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