Avant que l’ombre ne passe de Romuald Jandolo

A l’occasion du festival Arsmondo, les installations grandeur nature de Romuald Jandolo prennent place dans le jardin de la Haute École des Arts du Rhin. 

Cette année, le festival Arsmondo nous propose de sortir des stéréotypes liés aux Gens du Voyage à travers une programmation artistique, culturelle et engagée. Montrer les traditions, les modes de vie et le quotidien de communautés nomades par le biais de l’art et de la réflexion. Romuald Jandolo, artiste plasticien issu d’une communauté tsigane et du milieu du cirque ainsi que de la performance, nous plonge au cœur d’une mise en scène de campement.

Avant que l'ombre ne passe
Avant que l'ombre ne passe de Romuald Jandolo © LB

Une rêverie ambivalente 

Né en 1988 et ayant vécu une enfance nomade, Romuald Jandolo place l’itinérance, l’identité et les superstitions en tant que figures centrales de son travail. Touche-à-tout, il façonne des univers marginaux et mystérieux à l’aide de dessins, de vidéos, de sculptures hybrides et d’installations merveilleuses. Entre fantasmes et réalité, ses œuvres jouent avec les codes esthétiques classiques. En 2019, son exposition personnelle Il n’y a pas de place pour nous mettait déjà en scène son histoire familiale, dans une mise en scène poétique, au sein du centre d’art de Pont-en-Royans. Une cage sombre associée à une galerie de portraits étranges aux couleurs criardes, soulignant ainsi la marginalité du cirque, son exclusion de la société.

Emprunte de baroque, le monde de Romuald Jandolo est foisonnant, intime et kitsch à la fois. Les couleurs sont vives, les objets sacrés nombreux et les matériaux sont divers. Des ex-voto côtoient des barres de pole dance, les robes de mariées sont suspendues, les corps pailletés et désacralisés… bienvenue dans l’univers de cet artiste polymorphe, burlesque, où le rire et l’étrangeté se mêlent et se répondent. 

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Une culture populaire 

Avant que l’ombre ne passe est un projet artistique marquant son rapport à la culture tsigane, témoignant une nouvelle fois d’une représentation fascinante et complexe. Le jardin de la Haute École des Arts du Rhin devient un terrain d’expérimentation et le décor d’un passé revisité. L’exposition est composée de deux installations spectaculaires. D’un côté, une imposante cage calcinée rappelle les spectacles de fauves des cirques d’antan. La mise en scène suggère des images issues de notre vision du cirque fantasmée, nourrie par la culture cinématographique, qui évoque notre propre fascination pour le risque.

Avant que l'ombre ne passe
Avant que l'ombre ne passe de Romuald Jandolo © LB
 

 

De l’autre côté, l’installation Last dance, une caravane qui invite le spectateur à regarder à travers les vitres ce qu’il y a à l’intérieur. Une literie rose accompagnée de bijoux extravagants, de plumes de paons suspendues, rappelant les vanités, symbolique du temps qui passe. Une grande peluche léopard domine l’ensemble, clin d’œil au motif léopard mais aussi au fauve, qui sera toujours accolé à l’image du cirque. Un fauve qui se serait échappée de sa cage, mais qui fera toujours partie de cette histoire familiale.
Sur le couvre-lit rose bonbon, de longs bras en verre sont posés, pouvant s’apparenter aux amulettes de protection sous forme de mains, mais aussi aux fantômes qui se retrouvent dans chaque culture. En arrière-fond, une bande sonore autour de cette famille circassienne résonne dans le jardin. Les œuvres font office de musée d’histoire naturelle, mais encore vivante, qu’elle soit enfouie chez l’artiste, ou fantasmée chez le spectateur. Ces scénettes transmettent le récit de Romuald Jandolo, à travers son identité et un imaginaire collectif.

Se réconcilier avec son passé 

Le spectateur est alors invité à s’immerger dans une mythologie foraine composée d’objets mystiques et d’archives intimes. Le passé est recomposé par les souvenirs et les réflexions qui en découlent. Anaïs Lepage, commissaire d’exposition écrivait déjà en 2020, à propos de l’installation Last dance : « Voyez-vous, la vraie question de cette situation serait peut-être celle-ci : comment les récits de famille, les regards et paroles des autres inventent et construisent pour nous une identité ?... Comment faire la paix avec les siens ?» Si les œuvres évoquent des récits individuels, ils appellent à réfléchir sur la mémoire de notre propre histoire. 
Avant que l’ombre ne passe, Last dance, les titres des installations sont empreints de mélancolie du regard de l’adulte qui a bien grandi. Pourtant, à travers ce bel hommage aux familles itinérantes du cirque, à une enfance multiculturelle, hors-normes et insaisissable, la tentative de réconciliation est bien présente. 

Oeuvre de Romuald Jandolo
Oeuvre de Romuald Jandolo © Jonathan Ferrara

Informations pratiques :

  • Jusqu’au dimanche 3 avril 2022
  • Entrée libre du lundi au samedi de 8h à 19h

Jardin de la HEAR – Site d’arts plastiques
1 rue de l’Académie à Strasbourg

Site de la HEAR

Site du festival Arsmondo

Auteure : Lucie Bousquet

A propos de l'auteure 

Formée à l’écriture et à la communication, Lucie a commencé dans les médias pour un magazine digital en Chine. Après quelques années dans la gestion de projets associatifs et artistiques, elle se lance en tant que rédactrice dans les domaines du tourisme et de la culture. En veille permanente sur l’actualité sociétale et culturelle, Lucie vit entre Strasbourg et Paris. Elle participe régulièrement à des projets collectifs autour de l’écriture et du numérique.

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