Barberousse et le Seigneur des anneaux au Haut-Koenigsbourg

Sur les hauteurs de Sélestat, le château du Haut-Koenigsbourg veille sur neuf siècles de conquêtes, de désastres, d’abandon et de renaissance. 

Son ambiance de forteresse perchée sur une montagne à 700 mètres de haut, à la vue dégagée sur la plaine d’Alsace, le silence vibrant de ses pierres, ses meubles médiévaux, son histoire presque millénaire : c’est peu de dire du château du Haut-Koenigsbourg qu’il attire, qu’il séduit et qu’il parle à l’imaginaire. 

Façade du Haut-Koenigsbourg
© Jonathan Sarago

De nombreux artistes en ont fait – et en ont été- la conquête, tels les réalisateurs Jean Renoir, qui y a tourné La Grande illusion, en 1937, et Jean-Pierre Mocky qui y a posé ses caméras pour certaines scènes de son film Agent trouble en 1987. 

Plus récemment, la trilogie du Seigneur des anneaux et Le Château ambulant, du réalisateur japonais Hayao Miyazaki, s’en sont inspiré. Et de nombreux dessinateurs de bande dessinée, d’illustrateurs et d’écrivains en ont fait la scène de leurs crimes et d’histoires extraordinaires.

C’est ce que ce château fait rêver, aussi. C’est ainsi qu’en 1899 l’empereur Guillaume II, dernier empereur allemand et dernier roi de Prusse, a vu dans ses ruines un moyen de faire revivre l’époque des chevaliers et de s’offrir un musée sur le Moyen Âge. Retour sur l’histoire évidemment tourmentée d’une forteresse médiévale…

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Presque une patate chaude 

Bâti au XIIe siècle, le Haut-Kœnigsbourg fut au cœur des conflits européens et des rivalités opposant rois, empereurs et autres seigneurs. La plus ancienne mention connue du château date de 1147. La dynastie des Hohenstaufen, qui en est le premier propriétaire, tente à cette époque de faire de l’Alsace la base de sa puissance pour prendre le contrôle du Saint Empire Romain Germanique. 

Le château fort prend le nom de Kœnigsbourg (château royal) en 1157, en référence à son propriétaire Frederic de Hohenstaufen, dit Barberousse. Mais dès la première moitié du XIIIe siècle, les choses se gâtent. Profitant de l’affaiblissement de la dynastie Hohenstaufen, les ducs de Lorraine auraient pris possession du château, qui devient peu après un repaire de chevaliers brigands. 

Haut-Koenigsbourg façade sud
Façade Sud © Jean-Luc Stadler

Incendié au XVe siècle par les forces armées des villes de Colmar, Strasbourg et Bâle, le château – en ruine – est confié à la famille Tierstein, sous la dynastie des Habsbourg, qui y fait faire des travaux de consolidation. Mais à la disparition de cette dynastie un siècle plus tard, le château devient la propriété de différents empereurs qui s’en débarrassent régulièrement en raison des coûts élevés de son entretien. 

Retour en l’an 1500 

Le XVIIe siècle est marqué en Alsace par la terrible Guerre de Trente ans (1618-1648) au cours de laquelle le château fort est assiégé par les Suédois pendant...52 jours. L’Alsace est ravagée, le château incendié. Devenues propriété française, ses ruines n’intéressent plus personne, sauf quelques artistes au XIXe siècle et, dans l’Alsace redevenue allemande à la fin du siècle … l’empereur Guillaume II !

En digne successeur des Hohenstaufen et des Habsbourg, il est soucieux de rappeler l’appartenance germanique de la région. Avec ce château fort, il marque la limite Ouest de son empire et décide une restauration complète des lieux. Il confie ce travail à l’architecte et archéologue berlinois Bodo Ebhardt, spécialiste de la fortification médiévale. 
Celui-ci répertorie tous les vestiges archéologiques recueillis sur les lieux, étudie les documents d’archives et analyse l’architecture. Son objectif est de restaurer le château tel qu’il se présentait aux alentours de l’an 1500. Les travaux durent de 1900 à 1908. L’empereur Guillaume II serait venu tous les ans pour vérifier l’état d’avancement des travaux. 

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L’aigle au sommet 

Redevenu français après la Première Guerre mondiale puis la Deuxième, le château est désormais classé Monument national et historique. Il reste l’un des symboles de la présence allemande en Alsace entre 1871 et 1918, partagé entre la restauration assez crédible de l’architecte Bodo Ebhardt et la vision romantique du Moyen Âge de Guillaume II. 

On peut aujourd’hui en visiter le grand bastion, plateforme défensive de deux tours composant la zone la plus fortifiée : ses murs font jusqu’à 9 mètres d’épaisseur. Et aussi les cuisines impériales hyper modernes pour les années 1900, avec cuisinière à ballon d’eau chaude, armoire chauffante, évier avec mélangeur d’eau, réfrigérateur et coffre à glace ; la salle du Kaiser (empereur) décorée de la devise prussienne «Gott mit uns» (Dieu avec nous) et des fresques du peintre Léo Schnug ; la salle d’armes et son impressionnante collection de hallebardes, de massues, de mousquets, de fusils de rempart, de cuirasses…

Haut-Koenigsbourg armurerie
Salle d'armes © Klaus Stöber

En flânant à l’extérieur, on peut se hisser dans le donjon, haut de 62 mètres et culminant à 819 mètres, offrant une vue imprenable sur le château et la plaine d’Alsace. Guillaume II a signé son œuvre en faisant installer à son sommet un aigle majestueux. 

Visites libres ou théâtralisées : visites à la carte 

Le château du Haut-Koenigsbourg s’offre à la découverte de diverses manières, en visites libres (des documents très complets sont à télécharger en plusieurs langues, dont une en l’espéranto, sur le site internet) qui mènent à la cour basse et son auberge, à la forge et son moulin, aux escaliers en colimaçon vers les appartements meublés ; en visites accompagnées par un guide (une heure, pas de réservation, pas de supplément d’entrée : se renseigner à l’entrée du site).

Haut-Koenigsbourg appartements meublés
Appartement meublé © Klaus Stöber

 
Sur tout le circuit de visite, une exposition ludique et décalée, composée d’une vingtaine de panneaux, aide à comprendre le système de défense du château fort, à imaginer la vie quotidienne au 15e siècle ou à retrouver des vestiges du 12e…

Pour les enfants, un livret-jeux pour les familles alterne jeux, énigmes et questionnaires pour se souvenir des 900 ans d’histoires des lieux est disponible à l’entrée (2€). Enfin, des visites théâtralisées sont organisées durant les vacances scolaires pour s’immerger dans la vie du château avec Franz le tavernier et Marie la marchande (une heure, sur réservation sur le site internet. Tarifs : de 2 € à 11 € selon l’âge). 

Auteure : Lucie Michel

Informations pratiques 

Château fort du Haut-Koenigsbourg, à Orschwiller.

  • Le château est ouvert toute l'année sauf les 1er janvier, 1er mai, 7 juillet et 25 décembre, de 9 h 15 à 18 h 45 selon les saisons (vérifier sur le site web).
  • Accès interdit aux animaux domestiques excepté aux chiens guides et d'assistance.
  • Accès depuis la gare de Sélestat avec la navette du Haut-Koenigsbourg.
  • Plein tarif : 9€. Tarif réduit : 7€. 6-17 ans : 5€.

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