Bolides du Mans : entre frissons et glamour

Adrénaline, freins à disques et histoires tragiques : en Allemagne, au musée de la Technique de Sinsheim, 35 voitures ayant couru les 24 Heures du Mans racontent un siècle d’émotions.

Qu’est-ce qui vieillit bien et qui, à 98 ans, peut se targuer d’avoir remporté les 24 Heures du Mans ? C’est une voiture française, une Lorraine-Dietrich B 3-6, fabriquée à Lunéville, près de Nancy. Elle était un bolide en son temps qui, pour la première fois, a dépassé les 100km/h de vitesse moyenne sur cette durée. Certes, c’était en 1926. Fringante en bleu, cachant bien son jeu sous ses airs d’antiquité, cette voiture est l’une des stars de l’exposition que le musée de la Technique de Sinsheim, au nord de Karlsruhe, consacre au centenaire des 24 heures du Mans.

Musée Technique - Le Mans 24 heures
© Technik Museum Sinsheim

Même si l’on est un cancre en sport automobile, on craque pour tous ces véhicules de légende qui brossent un panorama de la course, de ses débuts à aujourd’hui. Car nul esthète ne saurait résister aux lignes qui illustrent un siècle d’esthétique tout autant que d’évolutions techniques automobiles : chaotiques mais d’une classe folle dans les années 1920 et 1930, profilées dans les années 50, tout en rondeurs dans les années 60, puis de plus en plus anguleuses et aplaties, jusqu’aux objets roulants peu identifiables de ces dernières années, carénés sans souci d’harmonie mais aspirant –avec succès - à la toute-puissance.

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Bombe sur roues et moteurs à hydrogène 

Quel est le concept du Mans ? Car il y en a un ! « Ce sont des voitures très solides, car elles roulaient 24 heures sans arrêt et sur des routes alors non asphaltées, deux pilotes se relayant au volant. Maintenant, ils sont trois », indique Ulli Ehret, commissaire de cette exposition composée de 35 véhicules appartenant à des collectionneurs privés et à des firmes automobiles, prêtés le temps de la manifestation sur la mythique course française ouverte en 1923.

A voir aussi, la Ford GT qui a gagné successivement en 1966, 1967, 1968 et 1969. « Henri Ford, le petit-fils du fondateur de la marque, voulait absolument gagner contre Ferrari. »

 

Les derniers modèles présentés sont futuristes, collés au sol et dotés d’un aileron perpendiculaire destiné à leur éviter le risque de faire des tonneaux : l’Audi R 18 e-tron quattro, dont le moteur diesel est couplé à deux moteurs électriques au niveau de chaque roue avant. Sa compère, la Porsche 919 Hybrid, est dotée d’un moteur d’une puissance de 900 chevaux…On frise là les 360 km/h, soit plus de trois plus qu’aux débuts de la course.

Musée technique - Le Mans 24 heures
L’Audi R 18 e-tron quattro est un monstre, dont le moteur diesel est couplé à deux moteurs électriques au niveau de chaque roue avant © Lucie Michel
 

Il construit sa voiture et gagne 

Ce qui se cache sous ces beaux capots aux impressionnantes performances ? Des destins heureux et malheureux, des voitures faillibles et parfois dangereuses.  « Beaucoup de femmes ont piloté aux 24 Heures du Mans. Ainsi Odette Siko, première femme à participer à la course, qu’elle a courue quatre fois, a gagné la 7e place avec une Bugatti en 1930 », poursuit Ulli Ehret. Autre belle histoire, celle du Français Jean Rondeau, premier pilote et constructeur – et le seul à ce jour- à participer au Mans au volant de sa propre voiture, une M379, en 1980.  « Seul le moteur était Ford, sinon, il a tout construit seul. Et il a gagné devant Porsche !». 

Un autre Français, Pierre Levegh a été nettement moins heureux : en 1954, il court sur une Talbot Lago et reste en tête pendant 23 heures d’affilée. Jusqu’à ce que son moteur lâche à la toute fin de la course et brise son orgueil : il doit laisser une marque allemande, Mercedes, gagner la course. Cette marque lui porte d’ailleurs vraiment malchance puisqu’il meurt l’année suivante dans un accident au volant d’une Mercedes... aux 24 heures du Mans.

Musée technique - Le Mans 24 heures
Détails de la Lorraine-Dietrich, vainqueur de la course en 1926, et de la Porsche 919 Hybrid, vainqueur en 2016 et 2017. Pour donner envie de les voir en entier… © Lucie Michel

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33 fois au départ 

Comment devenir incollable sur l’histoire du Mans ? Ulli Ehret l’est par habitude : il fréquente le circuit depuis une vingtaine d’années. Cet aquarelliste passionné de mécanique de compétition y tient un stand, aux côtés de ceux des constructeurs automobiles. Il y vend ses œuvres au goût d’instantanés photographiques de moments vécus par lui sur place ou plus anciens. Certaines de ses aquarelles sont présentées au musée, notamment sur les 40 colonnes suspendues au plafond qui, toutes ensemble, retracent les événements marquants de chacune des années du centenaire de la course du Mans. On peut y croiser le Belge Jacky Ickx, qui a remporté six fois le premier prix, le Français Henri Pescarolo, qui le talonne avec quatre victoires, mais qui a participé 33 fois ! Qui a dit que la course du Mans n’était pas une question de passion et de frissons ?

Musée technique - Le Mans 24 heures
Ces affiches retracent les 100 ans de la course, en textes et en photos © Lucie Michel

Exposition « Un siècle de 24 Heures du Mans », au Musée technique de Sinsheim (Museumplatz), jusqu’au 31 août.

  • Ouvert tous les jours de 9 h à 18 h (19 h les samedi, dimanche et jours fériés).
  • Entrée : 22 € (adultes) et 17 € (de 5 à 14 ans).
  • Pour les passionnés : Ulli Ehret signe un livre sur le sujet (« Cent ans de 24 Heures du Mans, 1923-2023) en allemand, en anglais et en français, disponible à partir du mois d’avril au musée et sur son site www.ulis-racing-legends.de

Auteure : Lucie Michel