Strasbourg et ses amours

Vous avez toujours voulu tout savoir de la capitale européenne sans avoir jamais osé le demander ? Vous saurez tout : une facette de la ville se dévoile ici chaque mois, grâce à une visite à thème proposée par l’Office du tourisme. La première : l’amour.

L’amour par procuration

Tant d’histoires d’amour célèbres ou méconnues se sont vécues à Strasbourg ! Où ? Il suffit de se poster face à la cathédrale et de l’écouter. Les murs millénaires ont vu un mariage royal. Celui du roi Louis XV et de la princesse polonaise Marie Leszczynska, fille du roi Stanislas détrôné. C’était le 17 août 1725 et ce mariage s’est fait par procuration, c’est-à-dire...en l’absence du marié. Louis XV avait 15 ans, souffrait d’une santé fragile et était fiancé à l’infante d’Espagne, qui n’avait que 10 ans. 

Or le duc de Bourbon, Premier ministre, souhaite que Louis XV ait une descendance au plus vite. Exit la petite infante : il choisit parmi 99 prétendantes la princesse de Pologne, âgée alors de 22 ans. A Strasbourg, Marie consent à son mariage avec à ses côtés le fils du régent : quand elle sort de la cathédrale, dont les portes d’entrée avaient exceptionnellement été ouvertes, elle est mariée sans avoir jamais vu son époux. 

Mais le calcul du duc D’Orléans fut le bon puisqu’en dix ans, les époux eurent dix enfants. Ensuite, il se dit que Marie en a eu assez de supporter les assauts de son mari, réputé pour être le plus libertin de tous les rois de France.

 

L’amour Doré

Quelques pas plus loin, l’amour charnel fait place à l’amour filial. Rue des Écrivains, on rencontre Gustave Doré, très célèbre au XIXe siècle pour son talent d’illustrateur, de caricaturiste, de peintre, de sculpteur... Né à Strasbourg rue de la Nuée Bleue en 1832, il a passé son enfance rue des Écrivains, au n°6. Gustave et sa mère vivent une relation très soudée. Cette mère aimante fait tout pour que s’exprime le talent de son fils : quand ils déménagent à Paris, elle permet que l’adolescent signe un contrat de travail pour un journal ; et elle lui offre un véritable atelier. 

On sait de Gustave Doré qu’il a eu une liaison avec la comédienne Sarah Berhnard, mais il ne s’est jamais marié. D’homme à femmes, il ne semblait être, préférant rester aux côtés de sa mère. D’ailleurs, Gustave Doré décède seulement quatre ans après sa mère, à l’âge de 51 ans.

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L’amour et l’éprouvette

Au coin de la rue, au 3 rue des Veaux, la façade est ornée d’une médaille sculptée, représentant la tête de Louis Pasteur. C’est ici que le chimiste et physicien, célèbre pour avoir mis au point un vaccin contre la rage, a vécu avec son épouse pendant six ans. Louis Pasteur est arrivé comme tout jeune professeur à la faculté des sciences de Strasbourg en 1849 : il n’a que 24 ans. Invité chez le recteur pour une soirée mondaine, il rencontre les deux filles de celui-ci et tombe immédiatement sous le charme de l’une d’elles, Marie-Anne. Et pas n’importe laquelle. « Mon imbécile de fils a choisi la plus laide des deux », se désole le père Pasteur. 

Qu’à cela ne tienne, l’amour est immédiat, les lettres s’échangent et quelques mois plus tard, les deux jeunes gens se marient. C’est une véritable union heureuse. Dire que le mariage avait failli mal commencer : Pasteur arrive en retard à la cérémonie...à cause de ses expériences. Mais pourquoi Pasteur est-il représenté seul dans le médaillon, sans son épouse ?

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L’amour de Totor

Sur la place Kléber, avant l’immeuble de la Fnac, il y avait un bel établissement : l’hôtel Maison rouge. Cette construction du XIXe siècle a été détruite en 1973. Et avant cet hôtel, il y en avait déjà un autre, une auberge du XIIIe siècle qui n’avait cessé de s’agrandir au fil des ans, devenant au XVIIIe s. l’Auberge de la Maison rouge.

 

Parmi les nombreuses personnalités qui ont signé son registre, on trouve Victor Hugo. L’écrivain journaliste, alors marié, y séjourne avec sa maîtresse, la jeune comédienne Juliette Drouet. 

Dans un pacte d’amour symbolique, la belle renonce à son métier et à ses nombreux prétendants contre le soutien indéfectible de Victor Hugo, qui, lui ne s’inflige pas la même obligation quant à la vie galante. Mais l’union des deux est heureuse : la belle passe cinquante ans dans l’ombre de son Totor, le petit nom qu’elle donne à son amant : elle est sa collaboratrice, elle corrige tous ses textes. Elle lui a écrit 22 000 lettres. Même si Victor Hugo ne lui était pas des plus fidèles, il la considérait comme l’amour de sa vie. Et lui écrit : « Je suis né au bonheur dans tes bras. »

L’amour épistolaire

D’autres hôtels de la ville ont bien évidemment abrité de telles amours. Il en est un célèbre : celui de l’écrivain Honoré de Balzac et de Madame Hanska. Tous deux ont séjourné dans un hôtel aujourd’hui disparu, l’hôtel de la Fleur, remplacé par une maison qui ressemble vaguement à l’architecture initiale, au n°13 de la rue de la Douane. Tous deux se sont « connus » en 1832 grâce à des courriers échangés : elle est l’admiratrice polonaise mystérieuse, il est l’écrivain de renommée déjà internationale. 

Tous deux se rencontrent pour la première fois en 1833 à Neufchâtel mais se sont limités, à quelques rares exceptions près, à une relation épistolaire jusqu’à la mort du mari polonais, le comte Hanski, en 1841. 

Magnolias à Strasbourg
Symbole du renouveau et de la saison des amours, les fleurs du printemps.

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L’amour à géométrie variable

En juillet 1845, Honoré de Balzac et Madame Hanska séjournent à Strasbourg. Il semblerait même qu’ils se soient fiancés là, peut-être à la chapelle de l’église Saint-Pierre le jeune, comme pourrait le laisser penser l’une de leurs lettres. Puis ils se marient en 1850. Balzac a écrit à son éternelle aimée – mais de loin pas l’unique – un mot pour le moins ambigu : « Je te serai fidèle comme tu l’entends »… 

Quelques mois plus tard, il meurt, vaincu par la maladie. Avec humour, l’écrivain Gonzague Saint Bris résume cet amour surtout épistolaire par cette remarque lapidaire : « Dix-huit ans d'amour, seize ans d'attente, deux ans de bonheur et six mois de mariage. »

Auteure : Lucie Michel

Cette visite a été conçue par la guide-conférencière Annie Dumoulin, qui l’a guidée lors de la manifestation Strasbourg mon amour.

L’office du tourisme de Strasbourg propose des visites guidées thématiques toute l’année, afin de faire découvrir l’histoire et le passé de la ville sous de nombreuses facettes. On peut télécharger le livret des visites guidées de 2024, juste ici.
Visites d’une heure trente à deux heures, départ de l’OT (place de la Cathédrale). Tarifs : 11,50 € (20 € en duo), 8 € en tarif réduit.