Aux Assises nationales du fleuve, qui se dérouleront les 22 et 23 mai à Strasbourg, il sera question des fleuves...du futur. Où il est question de réseaux avec les mers, de décarbonation et de régulation pertinente.
Pourquoi donc organiser des Assises nationales du fleuve ?
Parce que la France est le premier réseau fluvial en Europe, affirme Didier Léandri, président-directeur général d’Entreprises fluviales de France (E2F : fédération des entreprises du transport fluvial de marchandises et de passagers). Il compte en effet 8500 kilomètres de voies navigables et est « complètement sous-exploité ». Autre information qu’on n’image pas forcément : avec ses 9 millions de passagers transportés chaque année sur des bateaux-mouches, Paris se trouve être le premier port fluvial au monde en matière de tourisme, poursuit Didier Léandri.
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Bateaux-promenades de Strasbourg © Damien Maurin - straspix
Stratégiques pour l’économie française, les fleuves ?
Contrairement au transport ferroviaire ou routier, les voies fluviales ne sont pas saturées : « On pourrait multiplier par quatre leur trafic », affirme Didier Léandri. Et ce même dans les ports du Havre et de Marseille, de la Seine ou du Rhin, où il existe des infrastructures industrielles, où le fluvial est déjà très utilisé.
La moitié de l’économie française est dépendante à la présence de l’eau, en matière notamment d’énergie hydraulique, de refroidissement des centrales nucléaires, d’alimentation humaine, d’industries de pointe comme les data-centers et les giga-factories, de transports de loisir... « Les fleuves sont donc stratégiques pour l’économie et il faut réguler intelligemment leur débit, avec tous les acteurs concernés. » C’est l’un des objets de ces assises.

Les fleuves en période de réchauffement climatique : richesse ou risque ?
Aujourd’hui, on ne peut pas faire n’importe quoi avec l’eau, assène Didier Léandri. Avec le réchauffement climatique, les fleuves constituent une richesse tout autant qu’un risque. Il est donc urgent d’agir pour en faire un atout et gérer efficacement les eaux en France. Par exemple en donnant plus de moyens à Voies navigables de France pour en assurer la gestion et les investissements et en instaurant une gouvernance efficace.
Bonne nouvelle : une feuille de route à moyen terme vient d’être élaborée...
Le ministère des Transports français s’est donné une échéance pour agir : 2030, l’inauguration de la liaison Seine-Escaut, ou canal Seine-Nord Europe. Il s’agit d’un nouveau canal à grand gabarit qui reliera le bassin versant de la Seine avec le réseau fluvial du Nord de la France et du Benelux. « Ce grand projet structurant permettra d’accéder à tout le trafic fluvial européen. Il est cofinancé par l’Union européenne », précise Didier Léandri.
D’où une feuille de route pour agir d’ici 2030. Objectif : comment moderniser le transport fluvial pour lui permettre d’utiliser au mieux cette nouvelle infrastructure. Ce qui touche à de nombreux points : financement, transition énergétique, attractivité des métiers…
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Comment le trafic fluvial en Europe peut-il se développer ?
Face à la baisse du trafic fluvial et à l’augmentation du trafic ferroviaire, le port autonome de Strasbourg (PAS) œuvre à développer le fluvial en le reliant plus aisément au ferroviaire, indique Claire Merlin, directrice générale du PAS. L’idée : que les deux modes soient complémentaires : c’est une bonne chose car en cas de souci sur l’un de ces modes de transport, on peut reporter le trafic sur l’autre.
Dans ce but, un terminal fer-fleuve connecté aux lignes allemandes et françaises est en projet au sud de Strasbourg : le premier train y est attendu dès 2027. L’objectif est d’accueillir cinq trains par jour en 2030. Les ports de Bâle à Rotterdam seront reliés aux lignes allant vers l’Espagne, l’Italie, l’Europe de l’Est…

Comment se porte la décarbonation avec la multiplication du trafic ?
Décarboner le transport de marchandises passe par la multimodalité (accès à différents modes de transports) : il doit y avoir complémentarité entre les ports maritimes et fluviaux, poursuit Claire Merlin. « L’enjeu est de privilégier le transport fluvial plutôt que routier. » Comment ? En créant un écosystème logistique et industriel autour des ports afin que les marchandises transmaritimes soient déchargées dans les ports maritimes et acheminées le plus rapidement possible. Il s’agit notamment d’éviter les problèmes récurrents de congestion, comme c’est le cas au port de Rotterdam. Mais la décarbonation commence par la transformation des flottes : moteurs électriques des bateaux, pour les courts trajets, ou aux biocarburants, ou encore à l’hydrogène.
Bientôt une nouvelle gare fluviale au port de Strasbourg : dans quel but ?
Plus de 23000 bateaux de marchandises et de passagers transitent chaque année par le port de Strasbourg. Et plus de 235 000 croisiéristes ont été accueillis en 2024, soit près de deux fois plus qu’en 2015.
Une nouvelle gare fluviale était donc devenue une nécessité pour accueillir les bateaux et les visiteurs. Aménagée rue de la Minoterie, au terminal Nord du port de Strasbourg, elle devrait être opérationnelle fin 2025. Seize bateaux pourront y être accueillis simultanément. L’objectif est que l’ensemble du trafic croisières soit reporté là, dans le beau bassin du Commerce. Et le port autonome de Strasbourg réfléchit actuellement avec l’Eurométropole à la mise en place de moyens de transport doux pour mener les touristes jusqu’au centre de Strasbourg.
Lucie Michel
Rédactrice chez Batorama depuis 2020
A propos de l'auteur
J’aime Strasbourg pour ses restaurants de touristes, ses gargotes tibétaines et ses approximations de tartes flambées : un peu…
J’aime Strasbourg pour la diversité de ses musées: beaucoup.
J’aime Strasbourg pour le temps inscrit dans ses architectures: passionnément!
J’aime Strasbourg pour la vie spontanée et festive le long des quais aux beaux jours : à la folie!
J’aime Strasbourg pour sa confrontation piétons-cyclistes: pas du tout ! Préférons donc le bateau !