Des projets de territoire pour revitaliser le tourisme fluvial

A l’heure de l’été, le secteur du fluvial espère bien jouer un rôle majeur en termes de tourisme vert. En pleine mutation, le tourisme fluvial n’a jamais été aussi proche de séduire de plus en plus d’adeptes. Entretien avec Didier Leandri, le président directeur général d’Entreprises Fluviales de France. 

Didier Leandri, le président directeur général d’Entreprises Fluviales de France.
Didier Leandri, le président directeur général d’Entreprises Fluviales de France - © E2F

Pouvez-vous rappeler le rôle et les missions d’Entreprises Fluviales de France ? 

E2F est la fédération professionnelle représentative sur le plan national des transporteurs fluviaux qui transportent aussi bien des marchandises que des passagers. Nous intervenons dans le domaine de la logistique fluviale et dans le domaine du tourisme fluvial. Nous animons le dialogue social dans la branche et négocions les accords collectifs avec les organisations syndicales. Nous sommes l’interface avec les pouvoirs publics pour la définition du cadre d’exercice des entreprises de navigation. Il y a une réglementation assez stricte qui porte à la fois sur les bateaux, les équipages, la navigation et l’utilisation des infrastructures. C’est pourquoi nous sommes l’interlocuteur de référence du ministère des Transports, du ministère du Tourisme et du ministère de l’Economie. Nous avons un rôle important de représentation dans les instances officielles, dans les ports, et chez Voie Navigables de France. C’est un secteur professionnel qu’il faut organiser, en mettant en relation les transporteurs, sur l’échange de bonnes pratiques par exemple, au travers de nombreuses réunions et de manifestations. De manière à définir une stratégie globale et une certaine cohésion, sans oublier la promotion et la communication sur notre offre de services.

Paris attend avec impatience le retour de la clientèle étrangère.
Paris attend avec impatience le retour de la clientèle étrangère - © E2F

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A l’heure de la saison estivale, comment se porte le secteur du tourisme fluvial ? 

On assiste depuis le 19 mai à un redémarrage de l’activité, très progressif. Cela se déroule dans des conditions assez similaires au redémarrage de l’été 2020, dans la mesure où nous sommes toujours privés de la clientèle étrangère. C’est une clientèle qui représente plus de 60% de la fréquentation à bord des bateaux. On a également largement perdu la clientèle affaires. Il n’y a pas de privatisation pour des entreprises qui doivent faire attention à leurs charges et niveaux de dépenses. On a une clientèle de groupe qui s’est considérablement réduite, en particulier les groupes scolaires. Et la croisière avec hébergement n'a rouvert que le 30 juin. On ne sait donc pas trop comment ça va se passer. En revanche, on suppose que la vaccination et le pass sanitaire vont permettre aux touristes étrangers de revenir en France. Autre facteur d’évolution favorable : la clientèle française va majoritairement rester en France cet été. On estime qu’on fera une meilleure saison qu’en 2020, davantage en région. A Paris, qui représente 70 à 80% du business du tourisme fluvial en France, la saison sera très difficile. Les Tour-opérateurs ont arrêté de vendre la France depuis un an et demi. On sent qu’on est au redémarrage, avec des compagnies qui ont réalisé beaucoup de communication sur l’offre. On maîtrise désormais les mesures de prévention sanitaire, ce qui va rassurer la clientèle. 

« La crise est là pour nous conforter dans notre modèle et notre produit »

N’est-ce pas le bon moment de mettre en avant les atouts du secteur en termes de tourisme vert, de local, de proximité, d’authenticité ? 

Oui bien sûr, c’est quelque chose qu’on avait déjà commencé à faire. En effet, la crise est là pour nous conforter dans notre modèle et notre produit. On travaille beaucoup avec les offices de tourisme pour intégrer le volet de la croisière fluviale et les atouts de produits de pleine nature en extérieur accessibles au plus grand nombre sur le plan économique. On accentue beaucoup notre communication sur ces arguments-là, d’autant plus que le secteur est également engagé dans la transition écologique et énergétique. De plus en plus de bateaux de tourisme ont une motorisation hybride ou 100% électrique. Notre volonté est de répondre de plus en plus à la clientèle en quête d’une expérience en pleine nature avec une empreinte environnementale faible. 

Le Canal du Midi fait partie des territoires à fort potentiel.
Le Canal du Midi fait partie des territoires à fort potentiel - © E2F

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Le plan de gestion Unesco 2021-2027 pour le Canal du Midi répond-il à cette problématique ? 

Oui, tout à fait, il répond à cette préoccupation qui est d’avoir dans les territoires une approche complètement coordonnée sur les différents services de tourisme. On peut également mentionner le lancement d’une marque canal du Midi, à l’initiative de VNF, la région Occitanie ainsi que les quatre départements traversés, pour mieux faire connaître et valoriser les actions menées tout au long du linéaire dans les territoires traversés et valoriser le lien que constituent les bateaux de navigation. Elle sera dévoilée courant juillet à Toulouse. Le développement du tourisme fluvial est indissociable au développement d’offres de tourisme intégrées aux territoires. On s’inscrit dans une démarche de valorisation du patrimoine historique, culturel, et de loisirs là où nous sommes implantés. Outre la promenade à bord d’un bateau de croisière ou d’une péniche hôtel, on fait du vélo, on visite un musée, on se rend dans un parc de loisirs. Cela fait partie de la feuille de route d’un séjour. C’est ce que l’on cherche à faire car nous sommes un pays d’eau, avec le réseau le plus dense d’Europe (ndlr : 8500 km de voies navigables). On parle beaucoup des Pays-Bas ou de la Belgique, mais beaucoup moins de la France. La perception de la France est très marquée par son littoral maritime, et encore trop peu par ses fleuves, ses canaux, ses rivières. C’est cette perception que l’on cherche à faire évoluer. La France comporte des centaines de villes et sites magnifiques. Mais cela reste encore trop rare de se dire je viens visiter la France au bord d’un fleuve. 

« L’idée est de thématiser la croisière fluviale » 

Batorama a mis à l’honneur en ce mois de juin le terroir alsacien et les vignerons. Est-ce ce type d’initiative qu’il faut encourager ? 

C’est exactement ce type d’initiatives qu’il faut valoriser. Les acteurs du tourisme dans les territoires ne se mettent pas suffisamment en réseau. Il faut se greffer sur des offres complémentaires et être capable de faire du sur-mesure pour des demandes client extrêmement variées. L’idée est de thématiser la croisière fluviale, comme sur la Seine où l’on va de site en site en bateau pour découvrir l’impressionnisme le temps d’une escapade d’une journée entre Paris et Chatou. Ou encore ces escapades plus longues en hébergement telles que les proposent la compagnie Croisieurope au départ du centre de Paris jusqu'à Rouen et Honfleur. On peut décliner un certain nombre de thématiques itinérantes, le bateau étant le lien. C’est la respiration entre deux-trois visites, la détente, le plaisir des yeux. A bord, on est quelque part au cinéma, on voit le paysage se dérouler à une vitesse où on peut vraiment l’observer, voir vivre les gens, bien plus que dans une voiture, un bus ou un train. 

Balade nocturne au pied de la cathédrale de Strasbourg avec Batorama
Balade nocturne au pied de la cathédrale de Strasbourg avec Batorama


Qu’envisagez-vous en 2021-2022 pour coordonner davantage les acteurs du tourisme et conforter les atouts du fluvial ? 

Nous sommes associés à la démarche engagée par VNF qui vient de signer un contrat d’objectif et de performance avec l’Etat sur dix ans. Il vise à mettre en place des contrats de territoire. VNF et la région Grand Est souhaitent par exemple mettre en place une gouvernance partagée et un contrat de territoire pour fixer le cadre d’intervention et les engagements des différents partenaires, en vue de favoriser et soutenir l’émergence de projets portés par les collectivités concernées et destinés à accroître de manière globale le potentiel touristique des territoires autour des canaux. Il est prévu l’installation de pontons au niveau des points d’intérêt particuliers, le développement de services et d’un système de collecte et/ou de traitement des déchets, la constitution d’un inventaire des patrimoines de toutes sortes et une forte opération de communication. J’ajoute qu’E2F souhaite beaucoup plus mettre en valeur l’offre des compagnies de croisière avec hébergement sous représentés en France par rapport au Rhin et au Danube. De manière générale, pour l’ensemble du territoire, l’objectif est d’identifier les portions de réseau à fort potentiel en matière de tourisme fluvial, de manière à concevoir avec les acteurs locaux un produit touristique autour de la voie d’eau. Cela suppose de l’investissement, des outils de valorisation, des aménagements, du marketing, des applications mobiles. Notre action passera par ces contrats de territoire. 

Recueilli par Florian Dacheux

 

A propos de l'auteur

Trentenaire basé en banlieue parisienne, Florian navigue dans le monde des médias depuis 2005. Des bases du métier appris en presse quotidienne régionale à Avignon, il a connu une expérience de correspondant à Barcelone, le reportage en radio depuis Marseille, ou encore l’édition numérique dans diverses rédactions parisiennes. Freelance depuis 2015 en tant que reporter et rédacteur pour la presse magazine et digitale, il réalise différents types de sujets de société. Florian anime également des ateliers d’écriture et pratique la photographie.

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