Rhein II : un cliché des rives du Rhin, resté pendant longtemps la photo la plus chère du monde

Si le monde de l’art et les sommes faramineuses qui sont parfois dépensées pour des œuvres font souvent les gros titres, certaines ventes historiques se sont faites plus discrètes aux yeux du grand public. Pourtant, elles ont fait trembler le monde de l’art et enflammé la planche à billets, laissant au passage beaucoup d’interrogations quant à la valeur réelle ou supposée d’une œuvre contemporaine. L’exemple le plus frappant, c’est peut-être celui d'Andreas Gursky, un photographe allemand connu pour ses tirages grands formats en haute résolution. 

En 2011, l’une de ses photographies représentant les rives du Rhin (appelée sobrement Rhein II) s’est vendue aux enchères pour la modique somme de 3 190 000 euros. Cette vente, qui a eu lieu chez Christie’s à New York, a affolé les compteurs et en quelques minutes, donnant à ce tirage le titre de la photographie la plus chère de l’histoire. Forcément, lorsque l’on parle d’art et de rives du Rhin entre Alsace et Allemagne, chez Batorama on a envie d’aller voir plus loin dans cette histoire. Voici quelques explications. 

Nous sommes en 1999, Andreas Gursky fait son jogging quotidien sur les rives du Rhin. Attiré par le paysage qui l’entoure, il réalise un cliché avec en premier plan la berge et son chemin goudronné, le Rhin qui passe en second plan, et une usine en arrière-plan. À la recherche de la ligne parfaite, le photographe retravaille alors l’image numériquement pour épurer chaque ligne et supprimer ce qui lui semble superflu. Une usine en arrière-plan, des lignes électriques, des nuages et un fond de ciel bleu, l’image est totalement dépouillée de ses éléments matériels et de ses variations de couleurs afin qu’il ne subsiste que les lignes pures. 

Rhein II - Andreas Gursky (1999)
Rhein II - Andreas Gursky (1999)

Le résultat ? Une photographie minimaliste horizontale, bichromatique représentant le mouvement de l’eau et du ciel. Après ces ajustements, il est difficile au premier regard de savoir s'il s’agit d’une peinture ou d’une photographie, et c’est aussi certainement ce qui fait le charme de cette œuvre. Le tirage final, monté sur verre acrylique, mesura finalement 2,10 mètres sur 3,80. Il fait partie d’une série de 6 photos aux tailles différentes, celle-ci étant la plus grande (et donc la plus chère). 

Rhein II, la photo originale avant retouches
Rhein II, la photo originale avant les retouches

Une photographie minimaliste, retouchée, représentant un paysage neutre, naturel, et sans prouesse technique particulière vendue à près de 3,2 millions d’euros. Certains pensent qu’Andreas Gursky n’est qu’un génie commercial et d’autres l’adulent comme l’un des plus grands photographes contemporains. Mais alors, comment cette œuvre, que certains peinent à appeler ainsi, a pu atteindre une telle somme et rester, pendant près de 4 ans, la photo la plus chère de l’histoire de la photographie ?

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Rhein II : la photo la plus chère du monde ? Oui mais comment ? 

Souvent, le nom et la reconnaissance d’un artiste dans le monde de l’art suffisent à faire monter les prix de ses œuvres en salle des ventes. Un artiste coté vendra toujours ses œuvres à un prix plus élevé qu’un inconnu, c’est un fait qui ne date pas d’hier. Pourtant, pour atteindre le sommet de la reconnaissance et la place de photo la plus chère de l’histoire, il faut savoir jouer des coudes et défendre ses créations, comme l’a fait notre photographe du jour. 

Tout d’abord, Andreas Gursky n’est pas un simple photographe, il est aussi professeur à l’Académie publique des Beaux-Arts de Dusseldorf. Il est également fils de photographe reconnu et pionnier de la retouche numérique à grande échelle (un aspect de l’art contemporain très prisé depuis des années, les enchères montent donc plus facilement). Depuis le tout début des années 90, il retouche ses photographies pour en faire d’immenses œuvres contemporaines qui atteignent souvent plusieurs mètres. Ces tirages, qui représentent des milieux naturels ou fabriqués, font de la place aux machines, aux bâtiments industrielles et ont une esthétique, une définition et une lumière tellement proches du réel que l’œil se perd dans les détails.

Alors forcément, que l’on soit familier ou non au monde de l’art, on veut s’approcher des œuvres, de leur sujet familier, et les admirer de plus près pour comprendre les techniques utilisées et voir jusqu’où notre œil peut aller. Tout cela, Andreas Gursky l’a bien compris, car année après année, avec des photographies comme « Paris, Gare Montparnasse », ou « 99 cent II » (2001) (qui recouvrent des mètres et des mètres de murs blancs dans les musées du monde), le photographe a acquis une notoriété à la fois populaire et plus « savante ». Grâce à des sujets et des techniques qui offrent un réalisme perçant, il nous reconnecte avec la réalité et nous interroge sur le sujet qu’il met en lumière. 

Andreas Gursky « 99 cent II » (2001)
Andreas Gursky « 99 cent II » (2001)

Et lorsque le public s’interroge, c’est que l’opération marketing est réussie. La technique de ventes aux enchères a également son rôle à jouer dans l’explosion des prix d’une œuvre. Lorsqu’un artiste déjà coté en vend une, on se dispute sa signature et les plus grosses fortunes s’arrachent les œuvres en direct à grand coup de billets et de bataille d’ego. La rareté joue également un rôle dans la valeur d’une œuvre. Ici, Rhein II a été tirée en 6 exemplaires et celui dont nous parlons aujourd’hui est le plus grand, voilà ce qui ajoute au mystère. Aujourd’hui, la cote de notre photographe du jour est à son zénith et ses photographies sont estimées entre 150 et 2 730 000 euros, la magie de la photo. 

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Ce titre de photo la plus chère du monde, Rhein II l’a perdu en 2014. Depuis cette date, c’est ce cliché intitulé « Phantom », du photographe Peter Lik qui a raflé le titre avec une vente à plus de 6,50 millions de dollars. 

 Phantom - Peter Lik
Phantom - Peter Lik

Auteur : Bastien Petronave