Forgeron d’art, Geoffroy Weibel cultive sa passion pour la forge et la métallerie contemporaine du côté de Strasbourg. Entretien avec un jeune homme qui mise sur les rencontres et l’humain.
Comment est née votre passion pour la forgerie d’art ?
J’ai découvert tout cela à travers la mécanique du vélo qui m’a donné le passeport pour le monde du métal. Je suis membre fondateur de l’association Bretz'Selle, une association strasbourgeoise située rue des Bouchers, dédiée à la promotion active du vélo et l’apprentissage de la mécanique avec son atelier de réparation. A force d’avoir des pièces métalliques et des outils dans les mains, je me suis rapproché du monde de la forge, pour me mettre derrière une enclume, voir ce que ça donne. Au début, ce n’était qu’une idée en tête. Et puis, à un moment de transition professionnelle, je me suis dit pourquoi pas essayer via un premier stage. J’ai eu la chance de rencontrer un super formateur, en la personne de Michel Mouton.
Où et comment avez-vous suivi votre formation ?
Michel Mouton m’a proposé d’intégrer une formation en deux ans en ferronnerie d’art à Bruxelles en Belgique. J’en suis sorti diplômé en 2012. En parallèle, j’ai trouvé un atelier au sein du Collectif de la Semencerie au Quartier Gare à Strasbourg. Au fur et à mesure, je me suis équipé. Puis j’ai approfondi ma pratique du travail du métal en travaillant dans diverses entreprises de métallerie et d’autres ferronniers en Alsace. J’ai ensuite dû compléter ma formation en métallerie au Lycée Le Corbusier d'Illkirch.
Quand vous êtes-vous lancé à votre compte ?
Je travaillais chez un artisan du côté d’Haguenau et au moment de son départ en retraite, il n’a pas souhaité de repreneur. Je me suis donc lancé à mon compte en 2017. Petit à petit, mon activité prenait de plus en plus de place et le local que j’avais à la Semancerie devenait trop petit. J’ai donc décidé de déménager en 2019 en rejoignant le CRIC, un collectif d’artistes et d’artisans qui permet à ses membres de développer leurs activités en mutualisant leurs énergies. Nous sommes installés au Garage COOP. L’atelier est plus grand, c’est plus ergonomique. Cela permet de répondre à des commandes plus importantes et de recevoir des groupes.
« Un massage entre le marteau et l’enclume »
Que proposez-vous ?
Je propose des pièces uniques ou éditées en petites séries. Je travaille sur mesure pour des particuliers, professionnels et des collectivités, parfois en association avec d’autres professionnels en fonction des demandes. Une grande partie de mon activité est aujourd’hui dédiée aux métiers artistiques. Je fais du suivi et de l’accompagnement artistique pour des compagnies de spectacle vivant, des scénographes, des artistes plasticiens dans leur besoin métallique. Je travaille souvent en direct avec des designers, des architectes d’intérieur, dans le domaine de l’hôtellerie et de la restauration d’art. Tout récemment, j’ai pu participer à une œuvre d’art dans l’espace public, à Schiltigheim, dans le cadre d’un projet de rénovation urbaine dans le quartier des Ecrivains, rue Mistral. L’autre partie de l’activité, c’est de la réponse à de la commande. On me sollicite pour des châssis de table ou de meuble, des choses plus fonctionnels. En vérité, je réalise tout type de travaux, comme l’outillage, des intérieurs pour la maison (mobilier, luminaires, verrières…), des pergolas, des portails, des sculptures, etc. Je reste ouvert à tout et apprécie la personnalisation et l’échange.
Pourquoi vous présentez-vous sur les réseaux comme un masseur de métal ?
Quand on parle de forge, on entend parler du terme fer forgé mais on ne sait pas trop ce que cela signifie. On comprend que le métal est chauffé et martelé, travaillé dans son état plastique. Mais il s’agit en vérité d’un véritable massage entre le marteau et l’enclume. A un moment donné, la matière va se comporter comme un liquide. C’est pourquoi je parle de massage.
« Un forgeron ne travaille jamais seul et c’est à travers l’échange que se construisent mes créations. »
Vous disiez recevoir des groupes. C’est-à-dire ?
L’accueil à l’atelier reste une de mes priorités. Etant un ancien éducateur nature dans des structures d’environnement, je souhaite absolument garder cette dimension pédagogique dans mon métier. Je propose des ateliers dits "décapsuleurs" aux adultes le temps d’une demi-journée ou en soirée où je les initie à la forge. J’aimerais développer des ateliers pour faire des porte-manteaux, des outils, ou encore des sessions où on allie la forge et la cuisine pour cuisinier autour du feu. Je leur apprends à prendre place à côté de l’enclume, à utiliser le feu de forge pour donner vie au métal. Je propose également des stages pour des jeunes apprentis en cours de formation sur des périodes allant de 1 à 3 mois. Des étudiants en design de la Haute école des arts du Rhin (HEAR) viennent découvrir la forge et le métal. Je reçois aussi des jeunes en CAP ou bac pro ferronnerie. Sur la partie taillanderie et forge d’outils, ça fonctionne aussi car je reçois des stagiaires via la FREMAA, la Fédération des métiers d’art d’Alsace. Cela reste un métier très dynamique qui attire. Plusieurs anciens stagiaires ont trouvé du travail.
Diriez-vous que le partage et la rencontre sont votre moteur ?
Complètement. C’est un métier qui m’amène à faire beaucoup de rencontres. C’est très complet dans ce sens-là. Un forgeron ne travaille jamais seul et c’est à travers l’échange que se construisent mes créations. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle mon activité est hébergée au sein de la coopérative ARTENREEL. Cela permet de commencer sous la forme d’une pépinière.
Pour finir, avez-vous d’autres projets de nouvelles activités ?
Oui, j’aimerais lancer de l’accueil de groupes en team building à destination des entreprises qui veulent faire des sorties de cohésion d’équipe. Mon activité s’y prête bien. N’hésitez pas à en parler autour de vous !
INFOS PRATIQUES :
- Garage COOP
- 2 rue de la Coopérative, 67000 Strasbourg
- forgeron@masseur-metal.fr
- www.masseur-metal.fr
Recueilli par Florian Dacheux
Rédacteur chez Batorama depuis mai 2021
A propos de l'auteur
Passionné par l'écosystème du fluvial depuis son enquête sur l'univers méconnu des bateliers au printemps 2021, Florian est depuis auteur pour le blog. Unique ville de France où une rue porte son patronyme (rue Léon Dacheux), la douceur de Strasbourg l'a toujours attiré. Il se laisserait bien tenter comme vous par un apéro vins/fromages à bord de NAO !
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